La série Spice

Série Spice

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Cette série de machines a démocratisé et popularisé les calculateurs HP.

Un nouveau boîtier

Le nouveau dessin des calculateurs HP rompt avec la précédente série Woodstock, et s'avère plus proche de celui des Classic. La couleur revient à un noir très sobre (même pour l'étui, en simili-cuir marron foncé). Le dessin est plus anguleux, mais très ergonomique.

Notamment, le clavier est "en creux" par rapport aux deux rebords latéraux du boîtier : les touches et interrupteurs se trouvent ainsi protégés.

Le compartiment des batteries revient à un couvercle séparé. On peut y voir une régression : il est assez facile de perdre ou d’abîmer la trappe si les batteries sont retirées. Mais le remplacement des batteries usées est facilité. C'est heureux, car le chargeur délivre toujours une tension beaucoup trop élevée (9,8V AC !), qui torture les accus...

Ce nouveau bloc de batteries amovible est de nouveau horizontal. Il se loge dans le "vide" à l'arrière de l'affichage et du panneau décoratif qui le surmonte. Le boîtier s'en trouve nettement affiné par rapport aux Woodstock. Mais HP n'a pas mis à profit l'espace dégagé au dos pour y disposer à nouveau une plaque aide-mémoire, comme c'était le cas sur les Classic.

D'autre part, le démontage du boîtier est devenu très délicat. Certes, les deux vis de fixation sont bien apparentes sous le couvercle du logement des batteries. Mais à l'extrémité inférieure, entre les deux demi-coques, se cache le "crochet de la mort" qui exige des trésors de délicatesse pour se détacher sans casse.

Le clavier comporte toujours 30 touches, de 3 tailles et 2 couleurs principales, noir et blanc cassé [¹]. Mais s'il reprend exactement la même disposition, sa technologie est complètement nouvelle par rapport à la série Woodstock. Par la solide pression nécessaire et l'important trajet des touches, jamais aucune autre machine, fût-elle HP, n'aura procuré une telle impression de robustesse.

L'affichage est encore [²] dévolu aux huit segments de LED.

Il comporte dix chiffres, dont éventuellement 2 pour l'exposant de 10. Mais il propose des nouveautés intéressantes :

les ingénieurs sont parvenus à supprimer presque entièrement la directivité verticale, grâce à des "loupes" astucieusement conçues. L'affichage est maintenant aussi lisible à la verticale qu'à 45° (machine posée sur un bureau) [³]. Revers de la médaille, il est plus sensible à la lumière parasite.
un séparateur s'insère automatiquement entre les groupes de 3 chiffres, rendant particulièrement facile la lecture des grands nombres. Toutes les HP bénéficieront désormais de cette nouveauté.
délicate attention pour les utilisateurs européens : nous ne sommes plus condamnés au point décimal (les virgules séparant les groupes de 3 chiffres). Cette disposition à l'américaine peut être inversée au moyen d'un jumper interne. Ce réglage sera bien sûr effectué par défaut sur toutes les machines vendues en Europe.
un témoin dédié alerte l'utilisateur en cas de batterie faiblissante. Il se présente comme un petit point à gauche du premier chiffre de l'afficheur.

À noter qu'à l'allumage de la machine, l'affichage est par défaut en mode "FIX 4" (4 chiffre après la virgule).

La série Spice se compose des modèles suivants [⁴] :

HP 31E	calculateur scientifique basique
HP 32E	calculateur scientifique évolué
HP 33E(C)	calculateur scientifique programmable
HP 34C	calculateur scientifique programmable de haut niveau
HP 37E	calculateur financier
HP 38E(C)	calculateur financier programmable

Nous n'avons que trois modèles à vous présenter en détail :

Le HP-31E

Nous avons là le successeur du HP-21, qui lui-même reprenait les caractéristique du HP-35. Il s'agit donc de la 3^ème génération de calculateurs scientifiques HP, d'où la dénomination générale de ces modèles.

Le HP-31E apparaît en 1978 au prix très démocratique de $60 [⁵]. Pourtant, ce n'est pas lui qui rendra la série Spice si populaire, mais bien le modèle supérieur HP-32E, introduit la même année pour seulement $20 de plus. La diffusion du HP-31E est donc restée assez modeste, ce qui en fait un modèle assez rare et recherché des collectionneurs.

"Bas de gamme" de la série Spice, le HP-31E est dépourvu des fonctions statistiques. Il n'en propose pas moins des caractéristiques intéressantes voire inédites :

4 mémoires avec arithmétique directe [⁶] ;
un registre LASTx pour seconder la pile opérationnelle.

(Il ne s'agit pas là de premières, mais ces fonctions était jusqu'alors plutôt l'apanage des hauts de gamme). Également :

un troisième mode angulaire (grades) et l'éventail complet des fonctions circulaires [⁷] ;
des conversions rectangulaire ↔ polaire, degrés ↔ radians, mais aussi d'unités : in ↔ mm, °C ↔ °F, lbm ↔ kg.

Le HP-31E met ainsi à profit le faible "encombrement" de son clavier (avec une seule touche préfixe et donc 2 fonctions par touche).

Il introduit en revanche des nouveautés appréciables :

l'auto-test : en tapant STO ENTER↑, les segments de l'affichage se mettent à clignoter pendant environ 2 secondes, puis s'allument tous, confirmant ainsi le bon fonctionnement du calculateur :

la fonction MANT (mantisse) : fonction secondaire de la touche ENTER?, elle permet d'afficher temporairement [⁸] tous les chiffres significatifs d'un nombre, sans modifier le mode d'affichage. Plus besoin de passer par FIX 9 - FIX 4 pour cela.
les messages d'erreur sont désormais indexés : Error 0 pour un argument incorrect, Error 1 pour un dépassement de capacité en mémoire, Error 2 pour STO x, RCL x, ... avec x > 3, Error 3 si l'erreur se produit dans un calcul statistique, Error 9 si l'auto-test ci-dessus échoue. Ce système révèle une conception plus raffinée que la concurrence. Il sera étendu, sur les versions programmables, par des alertes lors de l'exécution des programmes.

Au quotidien, le HP-31E, qui n'est pas programmable, se permet de "prendre son temps" pour le calcul des fonctions transcendantes. Lors d'un calcul de sinus p. ex., l'affichage clignote quelques instants avant de fournir le résultat, comme sur un HP 33C qui exécuterait un programme écrit par l'utilisateur :

On sent que l'algorithme "CORDIC" est au travail dans la machine...

Le HP-33C

Le HP-33C apparaît en 1979 au prix de $120, un an après la version 33-E qui coûtait alors $100. La mémoire permanente est un avantage déterminant qui vaut largement le supplément demandé. La version 33C n'aura aucun mal à emporter les suffrages des utilisateurs.

Le "C" final est la seule différence visible entre les deux versions. HP annonce la couleur : désormais, tous les calculateurs produits seront à mémoire permanente [⁹].

Pour faire face à l'augmentation du nombre de fonctions, le clavier comporte, comme sur le HP-32E, 2 touches préfixes "f" (jaune) et "g" (bleue). Elles donnent accès aux fonctions libellées, respectivement, au-dessus des touches, et sur leur face avant inclinée.

... Cela ne suffit pas ! Les fonctions hyperboliques du HP-32E sont passées à la trappe, ainsi que les conversions d'unités du HP -31E [¹⁰]. On bénéficie en revanche de fonctions statistiques évoluées (en une ou deux variables).

Le HP-33C reprend également le mode ENG, un temps abandonné par le HP-31E.

Une programmation complète mais basique

Les fonctions de programmation tiennent le haut du pavé, pardon, du clavier sur le HP-33E. On dispose de

49 lignes de programmes 100% fusionnées [¹¹] ;
8 registres de mémoire ;
l'éventail complet des huit tests conditionnels ;
3 niveaux de sous-programmes ;
l'adressage numérique (absolu), soit le branchement direct sur une ligne de programme d'après son numéro.

Le HP-33C présente quand même quelques points faibles. L'absence d'étiquettes (labels) dans les programmes rend peut commode et acrobatique la cohabitation de plusieurs programmes dans la mémoire [¹²]. Les caractéristiques reprennent grosso modo celles du HP-25(C), à un prix certes très inférieur, mais sans réelle amélioration du contenu scientifique.

Et surtout, il y a la concurrence de la Texas Instruments TI-57. Cette machine assez fruste mais bien meilleur marché ($80) présente des caractéristiques apparemment voisines, avec également 49 lignes de programme [¹³]. L'époque touchera bientôt à sa fin, où les employés de chez Texas rangent discrètement leurs HP dans les tiroirs de leurs bureaux...

Bref, il faut un haut de gamme à la série Spice. Ce sera le HP-34C.

Le HP-34C

Pourquoi une désignation si voisine ? Sans doute pour laisser les coudées très franches au HP-67 qui, en 1979, a encore 5 ans (!) de carrière devant lui.

Le HP-34C apparaît avec des caractéristiques de programmation apparemment juste inférieures : 210 lignes de programme (au lieu de 224), 21 registres de mémoire (au lieu de 26), et la mémoire continue (mais pas de lecteur de cartes).

Mais le différence est en fait plus grande : la mémoire du HP-34C est partagée. Le nombre de lignes de programme n'est à la base que de 70. Si les programmes dépassent cette longueur, des registres de mémoire sont convertis (automatiquement) en lignes de programme [¹⁴], à concurrence de 210 lignes... et un seul registre ! Ce système optimise l'utilisation de la mémoire de manière transparente pour l'utilisateur.

La nouvelle fonction MEM permet de vérifier à tout moment la répartition entre programmes et registres.

Désormais, tous les calculateurs HP reprendront cette disposition.

Le HP-34C doit loger toutes ses fonctions [¹⁵] dans le petit boîtier de la série Spice. Le clavier est chargé : avec 3 touches préfixes f, g et h (comme sur le HP-67) presque toutes les touches (sauf les touches préfixes, justement) remplissent 4 fonctions...

Impossible d'en mettre plus ! Des 5 touches programmables du HP-67, il ne reste faute de place que A et B. La troisième touche préfixe (h) est noire, et correspond à la fonction inscrite sur le pan coupé des touches, en noir, donc, comme la fonction principale. La lisibilité s'en ressent, et malgré une disposition rigoureuse [¹⁶], l'utilisateur se retrouve parfois à rechercher les fonctions. À l'évidence, une limite est atteinte, et il faudrait trouver un autre système.

Résolution et intégration numériques

Mais l'originalité du HP 34C est ailleurs. Pour la première fois, un calculateur programmable embarque les fonctions de résolution numérique d'équations (SOLVE) et d'intégration numérique (∫_x^y).

Les algorithmes utilisés sont la méthode de la sécante et la formule de Simpson, tous deux dotés par HP d'améliorations "maison". Remarquablement stables et efficaces, ils adaptent leur précision au format d'affichage utilisé. Il faudrait attendre longtemps [¹⁷] avant de retrouver ces caractéristiques sur un autre calculateur HP.

Le HP-34C réalise une autre première : la fonction factorielle x! calcule en fait Γ(x+1) (et n'est donc plus réservée aux nombres entiers). Cette fonction intégrée est effectuée très rapidement, mais le HP-34C est par ailleurs d'une grande lenteur dans l'exécution de ses propres programmes...

Mais ces caractéristiques restent trop discrètes pour l'acheteur moyen, qui regarde surtout le nombre de mémoires et de lignes de programme. Très cher ($150), le HP 34C ne pourra devenir un best-seller. Il connaîtra un succès d'estime auprès des fidèles de la marque. C'est maintenant un modèle de collection rare et recherché.

Ce sera également la dernière machine HP dotée du fameux affichage "à diodes rouges". Nostalgie...

Notes

[¹] ainsi que jaune pour la 1^ère touche préfixe f et bleu pour la 2^ème touche préfixe g (sur les modèles qui en sont équipés)

[²] C'est la dernière fois !

[³] Il subsiste une directivité horizontale marquée : il faut être bien dans l'axe de la machine.

[⁴] Le suffixe C identifie les modèles à mémoire permanente (Continuous Memory).

[⁵] 7 ans auparavant, il fallait débourser $395 pur un HP-35...

[⁶] Ainsi l'instruction STO + 1 permet-elle d'ajouter directement le contenu du registre X au registre 1, sans déranger la pile RPN.

[⁷] Mais pas les fonctions hyperboliques, qui demeurent l'apanage du HP-32E.

[⁸] tant qu'elle est maintenue

[⁹] à l'exception du calculateur financier HP-38 qui sera décliné en deux versions : HP-38E et HP-38C.

[¹⁰] Il reste les conversions rectangulaire ↔ polaire et d° décimaux ↔ dms.

[¹¹] Càd que des instructions composées comme STO 1, GTO 10, ... n'occupent qu'une ligne de programme..

[¹²] Il faut les séparer par une instruction d'arrêt R/S, et se positionner sur la ligne initiale xy du programme désiré par GTO · xy...

[¹³] Attention, elles ne sont pas fusionnées : une simple mise en mémoire comme STO 1 consomme déjà deux lignes. La capacité effective est donc bien moindre que celle du HP-33C. Mais Texas a beau jeu de communiquer sur les chiffres bruts et de tabler sur la relative ignorance de l'acheteur potentiel...

[¹⁴] Un registre de mémoire est converti en 7 lignes de programme supplémentaires.

[¹⁵] mais pas les fonctions hyperboliques, qui restent encore l'exclusivité du HP-32E

[¹⁶] associant notamment une fonction et sa réciproque sur une même touche :

(cette disposition avait été inaugurée sur le HP-55).

[¹⁷] le HP-15C de 1982

[¹⁴] Un registre de mémoire est converti en 7 lignes de programme supplémentaires.

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