Accueilretour

Enigma

Avant...

Mécanisation 

Commercialisation

Electricité

Souvenirs...

Cryptographie

Ordinateurs

Divers


1. historique

Arthur Scherbius était une sorte de Géo Trouvetout, vouant son existence à des inventions de toutes sortes. Dès 1918, il fonda avec son ami Richard Ritter la société Scherbius et Ritter. Celle-ci se donnait pour objectif de découvrir et de commercialiser des améliorations ou des nouveautés technologiques dans quelque domaine que ce soit...

Son grand projet était la conception d'un système de cryptage plus performant que les antiques procédés d'alors, notamment en tirant parti des nouvelles possibilités pour l'usinage de machines complexes. Dès 1918, il fait breveter la première version d'Enigma qui allait être sans cesse perfectionnée par la suite. La machine est présentée ci-dessous sans son coffret, qui mesurait 35 cm de profondeur, 30 de largeur et 15 d'épaisseur pour un poids d'une douzaine de kilos. On distingue, de haut en bas : 4 "rotors" [1] responsables de l'essentiel du codage, un tableau alphabétique où chaque lettre est éclairée par une ampoule, un clavier et un tableau de 6x2 fiches reliant deux à deux douze lettres pour un cryptage encore plus sûr. 

Enigma

La machine est hors de prix (£ 20000) et les clients potentiels, les grandes industries et l'armée, ne se bousculent pas. Des machines concurrentes ne rencontrent pas davantage de succès.

Le vent tourne pour Scherbius lorsque l'armée allemande réalise l'ampleur de son retard, en particulier sur les Britanniques, en matière de cryptographie. Le déclic est la publication d'un livre de W. Churchill en 1923. Il relate la saisie de carnets de codes ultra-secrets sur le cadavre d'un officier de la Kriegsmarine, et leur utilisation pour déchiffrer les messages des transmissions allemandes.

L'armée allemande effectue une enquête qui conclut sur la nécessiter de s'équiper en machines Enigma. La production en série peut commencer. En 10 ans, plus de 30000 exemplaires des modèles successifs seront vendus pour usage militaire. Il va sans dire qu'ils avaient été dûment modifiés par rapport aux quelques unités écoulées auparavant dans le privé...

2. technique

Le schéma ci-dessous résume en le simplifiant sur 6 lettres seulement le principe de fonctionnement d'Enigma. Un tableau de fiches électriques effectue une première permutation en associant 6 paires de lettres. Ensuite viennent les brouilleurs, au nombre de trois à l'origine. Il s'agit de disques (vus par la tranche) comportant un jeu de connexions reliant électriquement les lettres deux par deux. Ces disques sont interchangeables ; ils peuvent adopter n'importe quelle disposition. Après chaque codage de lettre, les disques tournent, tels ceux d'une machine à calculer mécanique, modifiant la permutation appliquée à la lettre suivante. Enfin, le réflecteur renvoie le signal électrique à travers les circuits et déclenche l'allumage d'une ampoule qui désigne le résultat du codage de la lettre en cours. 

fonctionnement

Calculons le nombre de possibilités :

  • tableau de connexions : 26!/[(2!)6x14!] = 100 039 791 500 ;

  • disposition (ordre) des brouilleurs : 3! = 6 possibilités ;

  • réglage des brouilleurs : 263=17 576 possibilités

soit au total 100 039 791 500 x 6 x 17 576 = 10 549 796 252 424 000 » 1,05.1016 combinaisons. On peut se demander pourquoi Scherbius s'est cassé la tête avec son système de brouilleurs, vu sa modeste contribution comparée notamment à celle du tableau de branchements. La réponse consiste bien sûr en le décalage incessant effectué à chaque fois qu'une lettre est codée. Grâce à lui, la période obtenue pour ce cryptage polyalphabétique (17 576) ne laisse pratiquement aucun espoir de déchiffrement par la méthode traditionnelle de l'analyse des fréquences.

Enigma ne cessa jamais d'être perfectionnée au cours de sa carrière. Le nombre de connexions du tableau de branchements passa ainsi de 6 à 12, et le nombre de rotors à 4 et même 5 sur les derniers modèles, et leur câblage fut changé plusieurs fois. C'est dire à quel point l'Etat-Major Allemand pouvait se sentir confiant en son système de transmissions. Cependant, l'ingéniosité et la ténacité d'une poignée d'hommes devait finalement en venir à bout.


D'après S. Singh, Histoire des codes secrets, J.-C. Lattès 1999.


Note

[1] Il s'agit d'une version tardive d'Enigma ; les premiers modèles n'avaient que 3 rotors.